Retour backstage, nous reprenons pas à pas nos esprits. Nous nous détendons. Baptiste, le cinquième membre (officieux) de la bande, notre roadie et sporadiquement guitariste rythmique/clavier, est à nos petits soins: « De quoi as-tu envie? » « Une bière? » « Un Coca? » « Comment tu te sens? » « Les gars, c’était dément ce soir! » etc. Je reprenais mes esprits. J’appliquais quelques exercices de sophrologie afin de redonner de l’énergie et de la vitalité à chacun des « systèmes » de mon organisme. Baptiste et les autres savaient que c’étaient mes « minutes de pure douceur », mes minutes à moi ; et que je ne voulais pas en être déconnecté. Je ne suis pas une putain de pop star, de rock star ou de diva. Je ne veux pas tel cocktail ultra compliqué à réaliser, telle marque de vodka ou de champagne. Je veux juste jouir de cinq minutes pour reprendre mes esprits. Pourtant, 23 heures passées, Baptiste pénétra dans la loge, une jeune femme rousse suivant ses pas.
– Benoit, excuse-moi, je sais que tu es en pleine sophro, mais je ne peux pas faire autrement… Heu… Le mieux… C’est que je m’éclipse et que… Que je vous laisse tous les deux… Sur ces mots, Baptiste quitta la loge, et me laissa seul, en compagnie de la mignonne « petite » rousse…
Pendant quelques nanosecondes, nous n’eûmes rien à nous dire. J’essayais de la regarder dans les yeux, de soutenir son regard, mais c’était difficile. Je suis affreusement timide et réservé quand il est question de femmes et d’intimité. Il s’était passé quelques années depuis la nuit sensuelle que j’avais vécu avec Stéphanie, mais elle avait laissé une trace indélébile dans mon cœur et dans mon corps. La jeune femme rousse prit, la première, la parole:
– Hmmm… Je vois que je te prends au dépourvu… Tu es donc comme sur scène. Tu n’es pas comme les autres. Ton roadie voulait m’interdire l’accès à votre loge, mais… À force d’être convaincante. J’avais tellement envie de te voir, d’avoir l’opportunité d’échanger quelques mots, avec toi, et peut-être plus si affinités… Je comprendrai que ce ne soit pas réciproque, mais… Oh… Je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça d’entrée… Tu ne me connais même pas… Hmmm… Je m’appelle Laura, et… J’ai un faible pour toi. Pour votre musique oui, mais pour toi en particulier. Je vous suis d’un concert à un autre. Brest… Dunkerque… Sète… Saint-Étienne… Rouen… J’aime vos chansons, et j’adore tes paroles. Oui, je sais (mon petit doigt me l’a dit) que c’est toi qui les écris. Rien qu’à ta personnalité sur scène, et à ce que je vois là, tes paroles reflètent ce que tu es, qui tu es. J’ignore ce que tu caches en profondeur, mais tu ne peux pas le cacher. Ça finit par te mettre à nu, à un moment ou un autre. Ce soir, sur It’s No Good (ton solo habituel), tu fermais les yeux, et c’est comme si les mots de Gore prenaient toute leur signification. La foule avait les yeux sur toi, mais moi, j’ai bien entendu qu’il y avait des trémolos dans ta voix, n’est-ce pas? Ne mens pas… C’est humain de se sentir envahi par un sentiment de nostalgie et de faiblesse, tu sais? Et moi, je l’ai perçu, tu sais?
Tu n’es pas comme les autres, et c’est ce qui me plaît et me touche. Tu ne cherches pas les lauriers, la gloire, les applaudissements, les gloussements ou carrément les faveurs de ces belles… Non! Laisse-moi finir pendant que j’y suis… Tu n’es pas parfait. Tu n’es pas un Monsieur Muscle. Et pourtant… Si je viens à chaque « gig »… Si je vous suis d’un concert à un autre, aux quatre coins de l’Hexagone, c’est pas pour Thomas, Anthony ou Alexandre. C’est pas pour Pierre, Paul ou Jacques. C’est pour toi, Benoit. Comme je t’ai dit, j’ignore ce que tu peux cacher derrière cette pudeur, ces paroles et ton personnage, mais… Je veux savoir. C’est comme ça. Je suis sûre que tu caches bien des mystères… et bien des désirs refoulés…
Laura avait tiré en plein dans le mille. Elle ne savait pas même pas à quel point…
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