La fille qui voulait voir la mer – Mia Michael (extraits)

La fille qui voulait voir la mer

Une mauvaise passe

Il existe une loi des séries. En l’espace d’une semaine, j’ai appris que mon petit ami me trompait, que les parents de ma meilleure amie déménageaient à Aix-en-Provence, où elle allait poursuivre ses études et enfin, que j’avais raté ma première année à l’université.

Un petit ami, ça se trouve, une meilleure amie, c’est plus difficile. Mais le pire, c’est la poursuite de mes études. Il fallait absolument que je réussisse cette année. Je sais que ça me vaudrait des problèmes avec ma mère et surtout avec mon beau-père.

J’ignore ce que je ferai de ce récit, rien sans doute, mais il faut quand même que je commence par parler de moi. Physiquement, c’est plutôt agréable à faire. J’ai 19 ans, je mesure 1 m 70 et je suis jolie. Mes cheveux sont très foncés et j’ai de grands yeux noirs, comme ma grand-mère espagnole. Je suis mince, tout en ayant 90 B de tour de poitrine et des fesses. Enfin, je veux dire que mes fesses sont bombées. J’ai un physique de starlette, donc il n’est pas rare que les hommes me sifflent dans la rue. Passons à un aspect beaucoup moins glamour de ma per­sonnalité : je suis angoissée, bordélique, j’ai peur d’un tas de choses et j’ai très peu confiance en moi. Ah, oui et, comme mon beau-père et ma mère me le répètent tous les jours, je suis une grosse paresseuse…

Après avoir appris que j’avais raté mon année, je suis rentrée chez moi comme un écolier qui a des parents sévères et qui rapporte un mauvais bulletin. Les deux sont vrais : j’ai des parents sévères et mon bulletin est mauvais.

Ma mère est dure avec elle-même et encore plus avec les autres. Après le départ de mon père, elle a épousé un homme qui lui ressemble : maniaque, autoritaire et radin. La totale, quoi.

N’osant pas rentrer tout de suite, je traîne ma détresse et ma trouille jusqu’au musée d’Orsay… Ou plus exacte­ment, je vais à l’Orangeraie voir les Nymphéas de Monet. Cet homme âgé, qui ne voyait plus bien à cause de la cata­racte, a fait un ensemble de grandes toiles de toute beauté. Assise au milieu de la salle, je suis entourée des nymphéas de son jardin à Giverny. C’est tellement beau et je suis tellement angoissée que je me mets à pleurer. Pour vous situer, je pleure quand je regarde un film romantique ! La honte.

Je rentre à la maison avec les yeux et le nez rouges.

J’annonce tout de suite la mauvaise nouvelle : je dois recommencer cette première année. J’aimerais dire que ma mère me prend dans ses bras et me console. Hélas ! non, mon beau-père et elle m’engueulent copieusement. Ils me traitent de paresseuse, d’idiote et de parasite. Pour termi­ner, mon beau père m’annonce :

— Tu ne crois quand même pas qu’on va continuer à t’entretenir ! Tu as huit jours pour trouver du travail. Tu ne continueras pas à vivre à nos crochets. Si tu veux rester ici, tu devras participer aux frais.

Je regarde ma mère. Étant bien sûr d’accord, elle me dit :

— Tu étais prévenue, Mona. Si tu avais travaillé au lieu d’aller voir des expositions de peinture et de sortir, tu aurais peut-être réussi. Ton beau père est généreux de te donner huit jours pour trouver du travail, tu peux le remercier.

Ça, jamais !

— Tu as entendu ?

Les larmes aux yeux, je lui dis :

— Merci beau-papa.

Je ne veux pas de conflit avec lui. Il me fait peur. Je veux dire physiquement.

Je ne m’attendais d’ailleurs pas à autre chose…

Je souhaite ne plus jamais les voir. Mon beau père est dans son rôle, je ne suis pas la belle fille qu’il souhaite, mais ma mère, franchement… quelle sale garce.

Il faut que je trouve du travail et surtout que je ne dépende plus de ces… gens. Je remplis deux sacs avec mes affaires et, vers 21 h, tandis qu’ils regardent la télé, je quitte la maison. Je pense à une vieille chanson des Beatles : « She’s leaving home. » Sauf qu’eux, ils seront ravis que je ne sois plus là !

Je prends le métro avec mes deux sacs et je vais chez une amie que j’ai prévenue un peu plus tôt.

Elle me console, on mange de la glace, on fume un joint. Je dors dans son lit avec elle en lui tenant la main.

*

Le jour suivant, je vais sur le Net pour chercher du boulot. Hélas, en cette année 2020, le chômage est… flo­rissant. Pour n’importe quel boulot, on demande des diplômes et moi, je n’ai que le bac. Et encore, je l’ai réussi de justesse.

Je ne souhaite qu’une chose, trouver un boulot « loin », genre élever des kangourous ou des koalas en Australie.

Je trouve un site qui propose différents emplois sur des yachts de luxe et des bateaux de croisières. J’adore la mer, même si je ne connais que celle du Nord et la Manche. Il y a de très beaux endroits dans le Nord, mais je voudrais voir une mer plus… exotique. Voilà ce qu’il me faut : partir en mer, très loin et au soleil. Après tout, je parle espagnol et anglais. Disons plutôt que je me débrouille.

 

Le lendemain matin, mon amie me dit :

— Arrête de pleurnicher, agis. Va à cette agence.

Oui, je vais faire ça ! À moi les croisières au bout du monde, même si je dois travailler.

Arrivée à l’agence qui a mis l’annonce, je dis à l’employé :

— Je voudrais des renseignements au sujet du travail sur des bateaux et des yachts.

— Certainement, vous avez un CV, des références ?

— Non, mais… je parle espagnol et anglais… et… j’ai le bac.

— C’est tout ?

— Je suis motivée.

La fille sourit en me répondant :

— Alors je ne peux vous proposer qu’un travail de service et de nettoyage…

Elle est folle ! Je lui dis :

— Donc simplement bonne ?

— Disons plutôt femme de chambre. Que voulez-vous faire d’autre sans qualification et sans diplômes, ma petite de­moiselle ? Cependant, vous êtes jolie. Vous pourriez convenir à des gens qui veulent du personnel ayant un physique avenant.

— Merci, mais je ne suis pas une bonne.

— Comme vous voulez. Je vous signale quand même que c’est payé 3 000 euros.

— Par mois ?

— Bien sûr. Mais le directeur peut vous l’expliquer mieux que moi.

Elle prend son téléphone et annonce :

— Monsieur le Directeur, il y a une jeune fille très jolie qui pourrait convenir à Monsieur Falken.

— …

— Oui, Monsieur le Directeur.

Elle ouvre une porte qui se trouve derrière son bureau, avant de me dire :

— C’est la troisième porte à droite.

Je frappe, j’attends une réponse et j’entre.

Oh ! Ce bureau est immense. Il y a des reproductions de bateaux anciens sur des étagères, des aquariums avec des poissons multicolores et un gros Monsieur d’une cin­quantaine d’années assis derrière un très grand bureau.

Je lui dis :

— Bonjour Monsieur, voilà…

Il me coupe :

— Oui, je sais. Enlevez votre manteau et faites quelques pas.

Derrière lui, il y a une reproduction de « La Grande Vague » d’Hokusai. J’adore cette gravure, ces pêcheurs qui…

— Vous avez entendu, Mademoiselle ?

— Oui, pardon, Monsieur, je regardais la gravure et…

Il répète :

— Enlevez votre manteau et faites quelques pas.

Je fais ce qu’il dit.

— Remontez votre pull et tournez-vous, Mademoi­selle.

Oh ! Il veut voir mes fesses ou quoi ?

Je fais à nouveau ce qu’il demande et je marche devant lui.

Je ne me sens pas à l’aise du tout, c’est peut-être un pervers qui va me sauter dessus…

Il me dit :

— Bien. Physiquement, vous convenez tout à fait. Il s’agit d’un travail de femme de chambre sur un yacht de grand luxe. Il y a une petite dizaine de personnes à bord.

Je me suis rapprochée de son bureau et je m’assieds sur une des chaises.

Il me dit :

— Restez debout, Mademoiselle.

Oh ! C’est choquant ! Je vais… l’écouter d’abord et puis je m’en vais.

Il a l’air d’apprécier le fait que je ne me rebiffe pas. Il explique :

— Vous serez deux femmes de chambre. Le bateau va remonter toute la Méditerranée, depuis Palerme. Ensuite, il naviguera le long de la côte de l’Afrique de l’Ouest. La femme de chambre peut accompagner ses patrons lors des escales et des safaris… C’est un voyage de plusieurs mois. Comme vous n’avez aucuns frais, c’est une façon de voyager, de voir du pays et de gagner beaucoup d’argent.

C’est vrai. Je lui demande :

— Donc c’est payé 3 000 euros par mois ?

— Oui, 3 000 euros nets. L’argent sera versé men­suellement sur votre compte en banque.

Je n’en ai pas encore, mais ça devrait s’arranger faci­lement.

Je lui demande encore :

— Il s’agit donc de servir à table et…

Il me coupe :

— Vous devrez servir à table et faire tout ce que vos patrons vous diront.

Le mot « patron » m’écorche un peu les oreilles, mais d’un autre côté, à la maison, ma mère et mon beau-père me traitent également comme une bonne. Ça ne changera pas beaucoup, sauf que je gagnerai plein d’argent, je ver­rai la mer, des pays exotiques, des dauphins, des…

Le directeur interrompt mes pensées en disant :

— Cependant…

Aïe !

— … ils veulent un service impeccable, à l’ancienne : uniforme, révérence, politesse, discipline.

Un uniforme… Je m’imagine en soubrette de luxe, ça m’irait sans doute bien. Et puis, ici, il fait froid et triste et je n’ai que des problèmes.

Je lui dis :

— D’accord !

— Bien. Donnez-moi votre carte d’identité, je m’occupe de votre passeport. Vous devrez être à Palerme le 3 juillet. Tous les frais sont à notre charge, bien sûr.

Je fouille dans mon sac et lui tends ma carte d’identité.

Il la prend en disant :

— Merci. Vous pouvez vous asseoir maintenant.

— Merci, Monsieur.

Il appelle une secrétaire et lui donne ma carte d’identité en disant :

— C’est pour faire le contrat de Monsieur Falken. Cette jeune fille convient parfaitement, ma petite Évelyne.

— Merci, Monsieur le Directeur.

Elle revient rapidement avec des papiers. Je vérifie que c’est bien 3 000 euros par mois. Le reste, je ne le lis pas. Je devrais évidemment être plus prudente, mais il y a trop à lire.

Le directeur ajoute :

— On va faire quelques photos pour votre passeport. Il sera chez Monsieur Falken quand vous arriverez. Vous partez dans trois jours. D’ici là, ouvrez un compte en banque si nous n’en avez pas et ensuite, communiquez le numéro à notre employée. C’est nous qui ferons les ver­sements, tous les mois.

Il ne bouge pas de son fauteuil, mais me dit :

— Bon voyage, vous serez une très jolie petite bonne.

Je rougis un peu en répondant :

— Merci, Monsieur.

L’employée fait quelques photos de moi, de visage et « en pied ». Ensuite la secrétaire vient me donner une enveloppe avec différents documents, billet d’avion, réservation à l’hôtel… Mon passeport m’attendra sur le bateau.

Je rentre chez mon amie pour partir le surlendemain. Ma mère a dû se rendre compte que je n’étais plus là. Elle doit être ravie d’être débarrassée de moi.

Le vendredi, j’embrasse ma copine et je prends à un taxi. Bientôt, j’aurai les moyens, donc je peux me le permettre. Mais c’est un peu une folie, parce que je n’ai pratiquement plus d’argent. Bah ! on verra bien. Le taxi me dépose à l’aéroport où je prends l’avion pour Palerme.

J’arrive le soir et je dors dans un petit hôtel que l’agence a retenu.

 

 

 

 

Les Mers du Sud, me voici

Le lendemain, je suis devant le port de Palerme avec un plan pour trouver l’emplacement du bateau. Venant de Vénus, je suis quasiment incapable de lire un plan.

Je le montre à un vieux type, genre loup de mer. C’est compliqué, il va me conduire au bateau. L’italien et l’espagnol étant des langues très proches, on arrive à se comprendre.

On parle en marchant, il me demande :

— Tu pars en croisière ?

— Oui, j’ai été engagée comme femme de chambre

— Un bon boulot…

— Ce n’est que provisoire. Je suis bien payé, mais il faut porter un uniforme.

Il rit, puis dit :

— Tu seras mignonne en uniforme.

Après avoir marché un bon moment, on arrive devant un très grand bateau, très moderne. Il y a même des étages…

Mon « loup de mer » me dit :

— C’est un très bon bateau, tu seras bien, là.

— J’espère.

On s’embrasse, il me dit « bon voyage » et je monte sur la passerelle. Aussitôt un homme arrive à ma rencontre en disant :

— Tu es Mona, c’est ça ?

— Oui, Monsieur.

— On t’attend pour partir. Viens, je vais te présenter à Madame.

Là, je sens mon ventre qui se serre et plus bas aussi. Je sais ce que c’est : la trouille. Qu’est-ce que je fais, là ? Je vais me retrouver sur un bateau avec des inconnus, peut-être des psychopathes… Oui, je suis terriblement douée pour me faire peur.

L’homme me conduit vers l’arrière du bateau. Il y a une petite piscine et autour, des banquettes, une table et des chaises. Deux hommes sont assis, ils consultent des papiers, tandis que deux femmes sont allongées sur des chaises longues et prennent le soleil, les seins nus. C’est assez surprenant. Il y a une femme d’environ 38 ans, un peu forte, et une jolie fille de mon âge qui a une longue chevelure noire. Je leur dis :

— Bonjour…

C’est la femme qui me répond :

— Bonjour, vous êtes Mona, c’est ça ?

— Oui, Madame.

Étant encore dans mes vêtements de Paris, je me mets à transpirer, debout en plein soleil.

— John va vous montrer votre cabine pour que vous puissiez mettre votre uniforme, mais la première chose à faire quand vous entrez ou vous sortez d’une pièce où il a quelqu’un, c’est de faire une révérence. Allez-y.

J’ai cherché sur le Net pour voir comment c’est, la ré­vérence. Je croise mes jambes, mes mains relevant mon jean, tête inclinée.

Elle dit :

— Ce sera mieux avec une jupe. Bon, John, montrez-lui sa cabine.

— Oui, Madame.

Je me retourne, mais il me murmure :

— Révérence.

Oh, c’est vrai ! Je dis :

— Pardon Madame, je n’ai pas encore l’habitude.

Je fais la deuxième révérence de ma vie. Ce ne sera sûrement pas la dernière.

On prend des escaliers pour monter vers les ponts supérieurs. Il ouvre une porte et on entre dans une petite cabine. Il y a heureusement un hublot, sinon, bonjour la claustrophobie. Il m’annonce :

— Tu partageras la cabine avec Lucia, l’autre bonne.

— Mais, c’est un lit d’une personne…

Il hausse mes épaules en disant :

— Vous n’êtes grosses ni l’une ni l’autre.

— Dites, elle n’a pas l’air facile, Madame.

— Fais ce qu’elle te dit et ça ira.

— C’est mère et fille ?

— Oui. Fais attention à la fille, c’est elle qui va s’occuper de toi et c’est pas une commode.

Charmant. Je veux rentrer chez moi ! Non, je n’ai plus de chez-moi.

Il ajoute :

— Change-toi, puis va chez Madame. Et n’oublie pas la révérence.

— Oui, Monsieur.

Mon uniforme est sur le lit. Je me déshabille pour l’enfiler. Je fais un bond d’un siècle dans le temps je passe de 2020 à 1920… Il se compose d’une robe noire avec des manches courtes, l’encolure est arrondie et les manches sont garnies d’un bord blanc. Il y a un tablier tout aussi blanc qui se noue derrière le cou et autour de la taille. Et pour finir, une petite coiffe en dentelle à fixer dans les cheveux avec des épingles.

Les chaussures sont noires et plates.

Je sens que le bateau bouge, c’est moi qu’on attendait pour appareiller.

 

Après m’être apprêtée, je refais tout le chemin en sens inverse. Ce bateau est immense. Arrivée à l’arrière, je fais une révérence avant de dire :

— Voilà, je me suis changée, Madame.

— C’est bien, ma fille. Allez à la cuisine pour vous présenter à la cuisinière.

Sa propre fille, qui est toujours à côté d’elle, lui dit :

— Je la prendrais bien pour me laver…

— C’est une excellente idée, Carole, tu sens la trans­piration. Tu devrais mettre du déodorant et te laver tous les jours.

— C’est les vacances, m’man…

Elle me regarde, pas gênée du tout des réflexions de sa mère. Elle me dit :

— Viens avec moi, petite.

C’est surprenant, se faire appeler « petite » par une fille de mon âge et moins grande que moi. Et puis, elle n’est pas capable de faire sa toilette toute seule ?

Sa mère lui dit :

— Ne sois pas trop familière avec les domestiques, Carole.

— Mais non, M’man.

On va dans sa cabine, c’est cinq fois plus grand que celle que je dois partager avec l’autre femme de chambre. Elle a même une salle de bains avec douche. Elle enlève sa culotte de maillot. Je trouve ça gênant.

— Ouvre les robinets de douche. Tiède.

Quand l’eau coule, elle met sa main sous le jet et me dit :

— Tiède ! Ça, c’est froid.

J’augmente le chaud, ça lui convient.

— Prends un gant de toilette, du savon et lave-moi.

Elle est complètement nue devant moi. Et nue, c’est bien le mot qui convient, parce qu’elle est épilée. Elle n’a vraiment aucune pudeur. Je reste d’abord décontenancée. Elle me dit sèchement :

— Tu attends le dégel ?

— … Euh… je suis un peu surprise, parce que…

Elle me coupe en articulant bien, comme si j’étais débile, pour redire :

— Tu prends le gant de toilette, tu mets du savon et tu me laves.

— Oui, Mademoiselle.

Je la savonne entièrement… Moi, je ne voudrais jamais qu’on me fasse ça. J’ouvre la douche pour la rincer, ensuite je dois la sécher, la coiffer, et enfin chercher un maillot dans le tiroir qu’elle me désigne.

Allez, Mona, tu serais dans un bureau avec un chef de service chiant, ce serait bien pire. Ici, tu as lavé une fille, ce n’est pas un boulot tellement dérangeant. Un peu humiliant, peut-être.

Ce qui est surprenant, c’est la désinvolture de cette fille. Tout à coup, elle s’assied sur la toilette et fais pipi.

Là, je deviens toute rouge. Pense aux 3 000 euros par moi, Mona.

J’essaie de comprendre la mentalité des patrons. S’il faut se cacher de sa femme de chambre, ça devient com­pliqué. Oui, mais de là à pisser devant elle…

Je suis quand même soulagée quand Carole met sa culotte toute seule. Bravo.

Elle me lance :

— Range la salle de bains et la chambre. Quand ce sera fait, va à la cuisine, on te donnera des ordres.

On avait dit femme de chambre, pas bonne à tout faire. Je le pense, je ne le dis pas. Bah ! ce n’est que ran­ger.

Elle n’est pas soigneuse, il y a des vêtements sales par terre, des bouteilles vides et même une assiette avec un reste de nourriture. Je viendrai chercher ça plus tard, avec un plateau. Je retourne dans la salle à manger. Il y a un couple d’une cinquantaine d’années, assis dans des fau­teuils. Ils discutent. Je fais maladroitement une révérence en disant :

— Bonjour Monsieur, bonjour Madame.

La femme est une grosse blonde décolorée avec beau­coup de bijoux. L’homme, un grand maigre avec une barbe noire. Elle me demande :

— Vous êtes la nouvelle bonne ?

— Oui, Madame.

— Vous vous appelez comment ?

— Mona, Madame.

— Alors je vais vous donner une leçon de savoir-vivre, Mona. D’abord, vous deviez attendre qu’on ait fini de parler avant de nous adresser la parole. Lorsqu’un de nous vous regarde, vous devez faire une révérence et dire « Bonjour Monsieur, bonjour Madame, je suis Mona, la nouvelle bonne à votre service. »

— Oui, Madame.

— Eh bien allez-y ma fille, faites-le !

Je fais une révérence et répète ce qu’elle a dit.

— Retenez la leçon.

— Oui, Madame. Mais si on m’a dit d’aller vite cher­cher quelque chose, je ne peux pas rester à attendre que vous me regardiez et…

Elle me coupe (ce n’est pas poli) :

— Dans ce cas, vous faites une révérence et vous continuez votre chemin sans nous parler. Mais ce que vous venez de faire, c’est « répondre », une chose que les domestiques ne peuvent faire en aucuns cas. Compris ?

— Oui, Madame.

— C’est bien, ma fille, vous pouvez disposer.

MERDE ! Tombe à la mer, salope ! J’ai les joues rouges de honte et les larmes aux yeux. C’est de la folie ! Que suis-je venue faire dans cette galère ? Et galère, c’est le mot qui convient !

Bon… je respire calmement. Je cherche un peu et puis je trouve la cuisine. Assises autour d’une table, il y a une femme d’une trentaine d’années, assez jolie et bien en chair, qui lit un magazine. En face d’elle, il y a une jolie métisse occupée à éplucher des légumes. Elle a un uni­forme semblable au mien. Quand je dis jolie, je suis loin de la vérité : elle est ravissante. Elle a des grands yeux, un petit nez, une bouche trop belle… Je fais une révérence et je dis :

— Bonjour Madame, bonjour Mademoiselle, je suis Mona, la nouvelle bonne à votre service.

La métisse éclate de rire, tandis que la femme brune lui dit :

— Enfin une bonne stylée, c’est pas comme toi, Lucia.

La métisse répond :

— Mais je vous fais aussi la révérence, Madame.

— Pas aussi bien qu’elle.

La métisse se lève et vient m’embrasser. Ouf ! Pour elle, j’existe en tant que personne.

Je lui explique pourquoi j’ai les larmes aux yeux :

— Je n’ai pas l’habitude et il y a des gens dans la salle à manger qui m’ont engueulée…

— Tu es tombée sur Madame Gomez, c’est une emmerdeuse.

Ça ne plaît pas à Madame Simone, qui lui dit :

— Ce n’est pas tes affaires Lucia. Tu as envie de net­toyer les ponts à la place des matelots ?

— Pardon Madame, mais…

— Mais rien, tais-toi…

Oh, que j’en ai marre d’être ici ! Elle se tourne vers moi pour me dire :

— Je suis Madame Simone, la cuisinière, et cette petite malpolie (elle me désigne la métisse), c’est l’autre bonne.

— Oui Madame, c’est la première fois que je suis en service…

— On t’expliquera ce que tu dois faire. C’est Made­moiselle Carole, la fille de Madame qui s’occupe des domestiques. Tu vas aller servir l’apéritif avec Lucia. Madame voudra sûrement te présenter aux autres.

Après s’être levée, Lucia lui demande :

— On y va, Madame Simone ?

— C’est ce que je viens de dire, non ?

— Oui, Madame Simone.

La métisse vient près de moi pour me pousser du coude. On fait une révérence avant de sortir.

Elle m’explique le ton de la cuisinière :

— Fais pas attention, elle a ses règles et Carole lui a passé un savon. D’habitude, elle me fout la paix.

Toujours au bord des larmes, je lui dis :

— À part vous, tout le monde est très désagréable ici.

— D’abord, tu peux me tutoyer. Ensuite, c’est vrai que les riches se croient tout permis, mais on s’en fout, ils paient en conséquence…

— Oui, mais…

Elle me coupe :

— On en parlera plus tard. Viens, il faut pas traîner.

On va à l’arrière du bateau. Il y a des gens assis, d’autres qui arrivent.

Lucia me souffle :

— Présente-toi.

Je fais une révérence et je répète ce que la grosse blonde m’a dit de dire :

— Bonjour, je m’appelle Mona, je suis la nouvelle bonne à votre service.

Les gens me jettent un coup d’oeil indifférent. Madame me fait signe de venir près d’elle, puis elle me dit :

— Regardez bien comment fait, Lucia.

— Oui Madame.

Je vais près de Lucia qui demande aux gens ce qu’ils veulent boire. Elle ne note rien. On retourne à la cuisine. Madame Simone cuisine sans faire attention à nous.

On prépare les boissons sur deux plateaux : coca, dai­quiri, scotch, jus de pamplemousse, chips…

Ensuite on va à l’arrière. Lucia sert tout le monde, je la suis avec un plateau. Comment on fait quand la mer est très agitée ?

Quand tout le monde est servi, j’entends Carole qui dit :

— Lucia, mon petit singe préféré. J’ai chaud, viens me faire de l’air avec ton plateau.

Oooh ! Je suis vraiment scandalisée qu’elle l’appelle « petit singe ».

Lucia s’approche d’elle en souriant et balance son plateau de bas en haut, tandis que Carole lève les bras pour s’aérer les aisselles.

Tout le monde a l’air de trouver la plaisanterie amu­sante. La mère de Carole lui dit en souriant :

— Tu exagères.

— Ben quoi M’man, Lucia est ma petite esclave. Ce serait d’ailleurs bien qu’elle soit toute nue et qu’elle m’évente avec une feuille de palmier. Tu aimerais faire ça, Lucia ?

— Oh, oui, Maitwesse !

— C’est bien, tu es une bonne petite négresse.

Lucia vient près de moi, me donne un coup de coude, on fait une révérence avant de retourner à la cuisine.

Je lui dis :

— Quelle garce !

— Mais non, elle joue. Je m’en fous, de toute façon… Elle peut me traiter de négresse, d’esclave ou même de singe, qu’est-ce que j’en ai à faire ? D’ailleurs, quand j’ai eu besoin d’un coup de main, j’ai pu compter sur elle. Les choses ne sont pas blanches ou noire, Mona.

Je réponds en imitant son accent : « Oui Maitwesse ».

Elle rit, moi aussi. Autant le prendre à la plaisanterie, comme elle !

Madame Simone sort de la tête de la cuisine pour nous engueuler :

— Vous n’êtes pas là pour discuter. Tu as envie d’être punie, Lucia ?

— Non, pardon Madame Simone, mais Mona est…

— Je m’en fous. Faites votre service en silence, der­nier avertissement Lucia.

— Oui, Madame Simone.

Comme je fais une drôle de tête, genre le menton qui tremble comme un bébé qui va pleurer, elle me dit tout bas :

— N’aie pas peur, je vais essayer de la calmer.

Ensuite elle va près de la cuisinière pour lui dire :

— Excusez-nous Madame Simone, c’est son premier jour…

— Ouais…

On termine de servir l’apéritif, puis il faut servir le repas… Ils mangent à l’arrière du bateau, sous une toile qui s’est déroulée automatiquement. Lucia et moi, on court pour les servir…

Ce n’est pas à deux heures qu’on a quartier libre, mais seulement à trois heures. Madame Simone fait la sieste, tant mieux. On peut enfin manger et c’est bon, puisqu’il s’agit de la même chose qu’eux… Lucia me dit :

— Tu vois, on n’est pas obligée de manger les restes.

Elle rit en voyant ma tête. Manquerait plus qu’on doive manger leurs restes !

Enfin, on le fait quand même un peu, puisqu’on se partage une petite boîte de vrai caviar à peine entamée. C’est délicieux. Quand on a fini, elle me dit :

— Viens, on va se balader.

Elle me dit s’appeler en réalité Joséphine et venir de Santa Lucia, dans les Antilles. Comme Carole n’aimait pas Joséphine, elle l’a rebaptisée Lucia.

Lucia-Joséphine me parle des gens qui sont sur le bateau. Il y a Monsieur et Madame Gomez avec leurs enfants, un garçon et une fille qui ont environ mon âge, plus un autre couple d’une cinquantaine d’années, Mon­sieur et Madame Jacquot. Ensuite le capitaine et son second, John, qui est le mari de Madame Simone. Enfin, deux matelots, Marc et Sylvain, et Franck, chargé de la sécurité.

Je lui demande :

— Comme un mercenaire ?

— Oui, il est armé. On est très loin de la Somalie, mais il peut y avoir des pirates partout.

Charmant !

En faisant le tour du bateau, arrivées près de l’avant, j’ai pris sa main. Ça me rassure. Devant un escalier qui va vers les ponts supérieurs, elle me prévient :

— Maintenant tu dois lâcher ma main, ma petite fille.

— Pardon, je suis tellement stressée…

— Fais ce que te dit Carole, c’est le plus important. Elle veut juste qu’on lui obéisse.

De toute façon, comme je n’ai plus le choix…

— Ils sont exigeants, mais on est bien payées. Surtout, ne discute jamais avec Carole. Même si tu as raison, tu t’excuses le plus platement possible et ça passera.

— On ne m’a rien dit de ce que je devrai faire…

— Nous sommes à leur disposition 24 h sur 24. Enfin, ça, c’est la théorie. Tu pourras dormir, sauf une ou deux fois par semaine, maximum, où ils te dérangeront la nuit. On est libres l’après-midi, de 2 à 4 h.

— On a le droit de nager ?

— Ah non, pas de domestiques dans leur piscine. Tu penses, ils ne voudraient jamais d’une bonne ou d’une négresse dans leur eau tellement pure et comme je suis les deux…

Elle rit en disant ça.

On monte jusqu’à une petite cabine où se trouve le Capitaine. Elle me présente. Il m’embrasse avant de me complimenter :

— Madame sait choisir son personnel, tu es ravis­sante.

— Merci, capitaine, vous êtes gentil, vous.

— Tu sais, les riches…

Oh, oui, je m’en suis rendu compte… à mes dépens.

La vue dans cette cabine est très belle. Un de mes plus grands désirs était de voir la mer, je suis servie.

En se baladant, Lucia m’explique ce qu’on devra faire le lendemain : servir le petit déjeuner, nettoyer les cabines, ranger, préparer le déjeuner, puis le servir après l’apéritif. Deux heures de liberté, ensuite préparer le repas du soir et encore le servir…

C’est presque de l’esclavage !

*

Ce soir, le repas sera servi à l’intérieur, car le vent s’est levé. J’imite tout ce que fait Lucia. À dix heures, on doit faire la vaisselle, car Madame n’aime pas que ça traîne. Heureusement qu’il y a un lave-vaisselle. Vers onze heures, on va se coucher. Il fait tellement chaud dans notre petite cabine que Lucia me prévient :

— Tu sais, je dors à poils.

— Euh… Oui.

Moi non, je garde ma culotte.

On se couche sur le côté, l’une derrière l’autre. Elle devant, moi derrière. Mes seins frôlent son dos, elle rit et me dit :

— Tu me chatouilles, c’est encore mieux que tu t’appuies.

Je me laisse aller contre sa peau douce et moite. Je suis hétéro, mais, bon, c’est émouvant… Vu notre degré de fatigue, on s’endort rapidement.

 

La suite est ici :

 

Mia Michael – La fille qui voulait voir la mer  – Collection « Pleine Lune » – volume 5 – Droits d’auteurs © 2017 Mia Michael

Tous droits réservés

A lire également : Mia Michael : Mes livres contiennent trop de sexe pour plusieurs éditeursLe jeu du cocu content  ou comment je suis devenu candauliste

 

 

 

Ce site est réservé à un public majeur et averti, il propose un contenu à caractère érotique à des personnes âgées de plus de 18 ans. En cliquant sur "ENTRER" vous certifiez avoir pris connaissance des obligations suivantes : Etre majeur selon les lois françaises et que ces lois vous autorisent à accéder à ce service. A ne pas faire connaître ce service à des mineurs, sous peine de sanctions pénales. A ne pas diffuser le contenu de ce service qui est la propriété de l'éditeur. A ne pas poursuivre l'éditeur de ce service pour toute action judiciaire